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Ses préoccupations littéraires familiales et personnelles la conduisent à rencontrer le groupe lettriste au début de 1972 alors qu’elle est encore lycéenne à Sèvres par l’intermédiaire de jeunes gens qui avaient déjà rallié ce mouvement.


Dès cette époque, la structure de l’hypergraphie proposée par Isidore Isou dans l’art de la prose et l’ensemble des arts visuels constitue pour elle une véritable révélation et elle commence alors à développer une activité romanesque et picturale autour de la figure géométrique du carré, considéré comme signe en soi, ou comme réduction de tous les signes existants ou possibles.


Parallèlement, elle participe aux principales manifestations organisées par le groupe, comme au théâtre du Ranelagh ou au théâtre Mouffettard et présente ses premiers travaux dans les différentes exposition de l’époque, notamment au Salon de Mai ou à la Galerie La Guilde (1973) où elle décline ses carrés primitivement sur du verre qu’elle juge « plus cristallin » pour exprimer sa démarche basée sur ces petits riens que j’appelle carrésiques (Des riens constitutifs, Ed. Psi, en cours de publication) qu’elle approfondit dans les manifestations successives : La Vérité lettriste, Galerie Visat (Paris, 1973), Les Lettristes, Galerie Inter-Art à Lyon, ou à la Galerie Manzoni de Milan (Opere lettriste de l’Ecole de Paris) en 1974. Plusieurs de ses œuvres poético-musicales paraîtront la même année dans La Poésie lettriste, (Seghers, 1974).


A partir de 1975, elle s’attelle à son projet de Roman à Equarrir, tout en explorant encore, comme elle continuera à le faire ses romans constitués d’une seule page, d’une seule toile ou bien organisés en petit codex de plusieurs feuillets, de petites séries ou de pages de « romans à exposer ». Ces dernières donneront naissance à une œuvre qu’elle réalise en 1977 et qui lui est particulièrement chère : J’écris mécaesthétiquement (Roman hypergraphique illustré, également titré J’écris à Bertrand, Roman). Basée sur des techniques mixtes, il s’agit de 44 papiers de différentes couleurs constituant un ensemble mural de pages d’écritures suspendues par des  pinces et a figuré la même année dans l’accrochage du Salon Ecritures 1978, au Musée du Luxembourg. Cette réalisation poursuit l’édification hypergraphique basée sur le signe carrésique (et ses nombreuses décompositions) dans le cadre de la narration en prose. Avec ce travail romanesque, je souhaitais dépasser la notion d’œuvre prosodique concentrée sur des toiles séparées et envisagées en tant que telles pour densifier mon discours au travers d’une multiplicité de pages et retrouver ainsi la primitive vision d’une même œuvre divisée en différents chapitres. Parallèlement, elle concrétise son roman « traditionnel », Roman à Equarrir, auquel elle tient avec ferveur (Ce roman, sans grâce, mal équarri, phrase d’André Gide qu’elle reprendra en exergue). Il sera publié auprès de la Maison d’édition Anakota, créée par un groupe d’opposants à la dictature des Khmers rouges, des amoureux de la littérature et de la poésie française, neveux de la famille du Prince Sihanouk alors en exil et depuis retournés dans leur pays.


Ce Roman à Equarrir (Ed. Anakota, Paris) synthétisera sa démarche formelle « les « riens » carrésiques constitutifs de ses œuvres. (…) Nous ne trouvons naturellement pas de trame réelle ou de structure à proprement parler du récit, mais une non-trame qui vaut pour l’interrogation représentée par le carré, que l’artiste décline sous différentes formes visant à constituer une mono-écriture personnelle, un parti pris qui prend des allures théoriques. (Mirella Bandini, 2003).
Les hasards de l’existence la conduiront ensuite à une délocalisation de ses activités en Italie à partir des années 1980, mais elle restera en rapport avec ses amis lettristes et notamment avec Roland Sabatier dont elle admire particulièrement l’œuvre visuelle, tout en continuant son travail essentiellement plastique et poétique.


En 1985, elle organise la venue, désormais mythique, d’Isidore Isou dans le cadre d’un grand festival international de poésie à Milan (Milano Poesia). Le créateur du Lettrisme s’y déshabillera sur scène pour réciter son Contre les positions réactionnaires, néo-nazies, de la poésie sonore dont un document photographique sera à la base de son film Apparition d’une disparition réalisé au moment du décès d’Isou en 2007). Dans cette même manifestation, elle se charge de la section consacrée au cinéma lettriste. Précédemment, en 1983, au Centre Culturel Français de Turin, elle avait organisé la participation lettriste dans le cadre d’un important festival vidéo ayant lieu dans la même ville.


En 1990, elle représentera le Lettrisme dans l’exposition collective Ipergrafia e Poesia Visuale oggi à Savone. De 1992 à 2002, elle se consacre à une fresque romanesque monumentale intitulée Tu minaudes alors qu’il faut changer le monde.


Après sa participation au Salons Arts, Vidéo, Cinéma et Ecritures (Lavoir moderne parisien), en 1996, à partir de 2001, elle se manifestera plus particulièrement dans la propagation de son œuvre et du Lettrisme, avec différentes expositions personnelles (comme entre autres Partie de Lettrisme, Galleria Balestrini, Albisola Marina, Italie où elle présente son film excoordiste Corrélations avec l'éternité, en 2004) ou collectives dont elle sera souvent le commissaire. C’est notamment le cas de Il Lettrismo al di là della femminilitudine au Musée d’Art Contemporain d’Albisola (2003). Reprise en 2008, cette manifestation sera présentée à la  Villa Cernigliaro, avec un catalogue comportant les écrits complets d’Isidore Isou sur les femmes et l’externité créatrice (L’Apport du Lettrisme et du Juventisme au Mouvement de libération des femmes) et une première histoire de ces dernières au sein du groupe lettriste dont elle est l’auteur (Murmure de femmes autour du Lettrisme, in Il Lettrismo al di là della femminilitudine, Sordevolo, Zero Gravità, 2008).


En 2003, elle présente son Roman à Equarrir, version à feuilleter, au Musée d’Art Moderne de Saint Etienne et la critique d’art italienne, Mirella Bandini, lui consacre une monographie (Anne-Catherine Caron, la traversée de l’infini des carrés). La republication de textes fondamentaux d’Isou constitue également une partie de son travail de propagation dont elle assure la traduction en langue italienne. En 2010, à la Villa Tamaris de la Seyne-sur-Mer elle expose dans Lettrisme : Vue d’ensemble sur quelques dépassements précis où elle signe un article consacré au roman intitulé Narration et prose dans le Lettrisme qui est un sujet de recherche qu’elle continuer à mener.


Auteur de plusieurs articles consacrés au mouvement auquel elle appartient, et à la tête de plusieurs sites ou blog consacrés au Lettrisme, elle dirige depuis 2007 la Galerie-du-sac-de-la-dame. En 2010, elle conçoit Roman lettriste de la Villa Cernigliaro et fera paraître à cette occasion les Moyens de réalisation dans la peinture lettriste et infinitésimale d’Isidore Isou dans une version bilingue (Roman lettriste de la Villa Cernigliaro, Zero Gravità, Sordevolo, 2011). En 2012, elle présente dans le cadre de Pensiez-vous (vraiment) voir une exposition - Bientôt les lettristes 1946 - 1977, Quatre Romans (1974) et Domaine de l’imaginaire (1973) au Passage de Retz à Paris.


Anne-Catherine Caron au Musée d'Art Moderne de Stockholm, mai 2011, photo Carlotta Cernigliaro.

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